Pour certains, c’est la culture du diable.
Le symbole de l’agriculture intensive et destructrice de son environnement.
Pénurie d’eau ? Pollution ? Monoculture ? Sols morts ? Enquête sur un coupable idéal : le maïs.
Très médiatisée, la culture du maïs fait partie des totems de l’écologie politique, au même titre que le glyphosate ou les OGM. Pourtant, cette plante étonnante est mal connue du grand public. Au point que quantité d’idées reçues, et même de fake news, circulent à son sujet.
Commençons par l’eau.
Qui n’a pas été marqué par ces impressionnants systèmes d’arrosage qui semblent déverser, en plein soleil, des milliers de litres dans nos campagnes ? Oui, à lui seul, le maïs pourrait être responsable de 18% de la consommation d’eau hexagonale. Quasiment un cinquième ! Car le maïs, c’est un tiers des surfaces concernées par l’irrigation. Irrigation responsable de plus de la moitié de l’eau consommée en France…
Le taux d’irrigation du maïs n’est pourtant pas excessif : en 2020, seules 34% des cultures de maïs grain étaient irriguées (6% pour le maïs fourrage). C’est moins que le soja (51%), les légumes frais (59%), les agrumes (100%), les vergers (60%) et les pommes de terre (40%)…
Et à production constante, le maïs n’est pas plus gourmand en eau que d’autres céréales : pour produire 1kg de maïs grain, il faut environ 454L d’eau, contre 590L pour 1kg de blé… C’est encore moins pour le maïs fourrage : seulement 238L d’eau par kg. Alors pourquoi une telle consommation totale ? Car le maïs est une culture d’été. Et à cette saison, les précipitations sont souvent insuffisantes pour assurer le développement de la plante.
Un point fort : la productivité.
Avec 91 q/ha pour le maïs grain, et 124 q/ha pour le maïs fourrage, les cultures de maïs présentent les plus hauts rendements céréaliers de France. Deux fois plus que le blé dur ou l’orge ! Cette forte productivité permet une meilleure rentabilité économique, mais pas seulement : elle permet aussi des gains écologiques.
Une meilleure efficience des terres agricoles permet en effet de limiter les impacts liés à l’usage des sols. Et ce n’est pas tout ! Une forte productivité permet aussi de stocker du carbone dans les sols, donc de limiter le réchauffement climatique.
Le maïs est capable de fixer jusqu’à 22 tonnes de CO2 par hectare et par an, soit plus qu’une forêt tropicale (environ 15 tCO2/ha/an) ! Et même s’il n’y a qu’une petite partie de ces 22 tonnes qui sera réellement fixée de manière durable dans le sol, la culture de maïs séquestrerait tout de même de manière pérenne 3.7 tonnes de carbone par hectare et par an, ce qui est mieux que n’importe quelle autre culture.
Une culture dédiée à l’élevage ?
Globalement, oui, à hauteur de 75%. Pour le maïs grain, on peut estimer à environ 40% la part du maïs grain dédié à l’élevage. C’est beaucoup, mais ne doivent pas invisibiliser les 60% qui servent pour d’autres usages : alimentation humaine, biocarburant, amidonnerie, etc.
Mais n’oublions pas le maïs fourrage, dédié uniquement à l’alimentation du bétail, et qui concerne des surfaces comparables au maïs grain. Le maïs fourrage est cependant moins exigeant en eau et ne nécessite généralement pas d’irrigation : son impact écologique est donc plus limité. Ainsi, « seulement » 50% des surfaces irriguées de maïs sont dédiées à l’alimentation animale.
Quelles perspectives ?
La culture du maïs est étroitement liée à l’élevage, qui a un mauvais bilan sur le plan écologique. Mais il est naïf de penser qu’une diminution de la production de maïs français diminuerait les impacts de l’élevage. On importera juste plus de maïs. Ou plus de viande. Ou peut-être produirons-nous d’autres types de fourrages qui ne seront pas forcément plus écologiques… Bref, pas sûr qu’on y gagne. Mais il est vrai que cultiver du maïs risque de devenir de plus en plus compliqué dans certaines régions, faute d’eau disponible pendant l’été pour irriguer.
Alors que faire ? Abandonner les cultures d’été ? L’efficience de nos terres agricoles risquerait d’en pâtir, ce qui ne serait profitable pour personne. Le remplacer par d’autres cultures d’été moins exigeantes en eau ? Il n’en existe pas tant que ça. On entend beaucoup parler du sorgho, mais ses rendements sont largement inférieurs à ceux du maïs, et il nécessite lui aussi souvent de l’irrigation. Le remplacer par des prairies ? Il s’agit sûrement de la meilleure option, car celles-ci présentent des atouts indéniables en termes de performances écologiques et patrimoniales. Mais elles présentent aussi des inconvénients d’ordre pratique, ainsi qu’une vulnérabilité à la sécheresse supérieure au maïs…
Ou peut-être est-il possible de continuer à cultiver le maïs… À condition d’exploiter toutes les solutions d’adaptation dont on dispose : réserves d’eau, techniques de conservation des sols… Et pourquoi pas compter sur les apports du génie génétique, capable aujourd’hui de produire des variétés résistantes à la pénurie d’eau.