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On dit qu’ils vont révolutionner l’agriculture. Au point que 1000 scientifiques, dont 34 Nobels, ont supplié le parlement de les autoriser. Mais c’est quoi, ces fameux NGT ? Et quels sont leurs super-pouvoirs ?

Le principe des OGM classiques est de transférer un gène d’un organisme vers un autre, d’où leur nom, « trangéniques ». Par exemple, le maïs BT a reçu d’une bactérie naturellement présente dans le sol la capaciter de produire son propre insecticide.

Les NGT eux, utilisent la technique dite des « ciseaux moléculaires » CRISPR-Cas9 qui permet de modifier précisément la génétique d’une plante sans introduire de gènes extérieurs. Ce sont donc bien des Organismes Génétiquement Modifiés, dans le sens où l’homme est intervenu, mais pas transgéniques. Ils pourraient apparaître spontanément dans la nature, avec un probabilité plus ou moins importante, par mutation ou par croisements successifs.

Pour comparer aux anciennes techniques de sélection, imaginons 3 dés. Il y a deux façons d’obtenir un triple 6 : les lancer et laisser faire le hasard, ou les poser directement sur la bonne face. On gagne beaucoup de temps, mais il faut que ce soit autorisé par les règles du jeu.

Car les fruits et les légumes que nous consommons ont tous été lentement modifiés génétiquement. Ils sont à des années lumières de leur état d’origine naturel.

Chaque grain de maïs, par exemple, était piégé à l’intérieur d’une coque non comestible aussi résistante qu’une coquille de noix et les épis étaient beaucoup plus petits. Aujourd’hui, les grains sont nus et restent longtemps sur l’épi. Dans la nature, ces caractéristiques les rendraient plus vulnérables aux oiseaux qui se nourrissent des graines. Pour notre alimentation, c’est au contraire une avancée majeure.

Les choux actuels, broccoli, kale, vert ou de Bruxelles sont tous issus d’une même plante, sur laquelle il n’y avait pas grand chose à manger. On pourrait lister tous les légumes présents dans notre assiette : aucun n’existerait sous cette forme sans des siècles d’intervention humaine.

Pour créer un NGT, il faut avoir étudié précisément les caractéristiques d’une plante et identifié le gène intéressant. On peut alors aller plus loin et plus vite que la sélection classique, et de manière très précise. Pour agir sur 3 points essentiels : diminuer les besoins d’engrais et de pesticides, améliorer la qualité de notre alimentation et adapter les cultures au changement climatique.

Les premières applications existent et sont déjà commercialisés à travers le monde. Elles se concentrent sur la qualité nutritionnelle des aliments, comme une tomate enrichie en antioxydants ou un soja au profil d’huile plus favorable. Les possibilités semblent infinies, jusqu’à la domestication de plantes que l’homme a cessé de cultiver au fil de l’histoire.

Diminuer les pesticides

Pour les cultures les plus courantes, comme le blé, base de l’alimentation en France, les chercheurs visent principalement à maintenir ou à augmenter les rendements, tout en utilisant moins d’engrais et de pesticides. C’est un combat primordial : comme nous sommes de plus en plus nombreux, si on ne produit pas plus à l’hectare, on doit utiliser des terres jusqu’ici réservées à la nature sauvage. Aujourd’hui, la déforestation est première cause de perte de biodiversité (50%), bien loin devant le réchauffement climatique (6%).

Des chercheurs ont ainsi trouvé un moyen de réduire la quantité d’engrais azotés nécessaires à la culture des céréales. D’autre sont sur la bonne voie pour remplacer les pesticides. Des céréales résistantes à un virus de type « Jaunisse », transmis par les insectes, ont notamment été développées. Jusqu’en 2018, les néonicotinoïdes étaient un moyen de lutte efficace. Depuis leur interdiction, les agriculteurs doivent appliquer plusieurs insecticides. Obtenir des variétés tolérantes aux virus serait un moyen efficace de limiter leur utilisation.

D’autres NGT permettent de se passer de fongicides, ces pesticides qui empêche le développement de champignons. Comme le blé immunisé contre l’oïdium, qui a été approuvé le 5 mai 2024 par les autorités chinoises.

Améliorer notre alimentation

Les NGT peuvent aussi nous aider à mieux nous nourrir, pour un meilleur prix, en alliant rendement et qualité nutritionnelle. Une farine blanche contenant 3 fois plus de fibres, autant qu’une farine complète, a été développée aux Etats-Unis. Le manque de fibres dans notre alimentation est vu comme une des causes de cancer liées à notre mode de vie. En Angleterre, des essais portent sur des blés moins riches en Acrylamide, un composant qui s’avère cancérigène en cas de surcuisson. 

S’adapter au changement climatique

Un des principaux axes de développement est évidemment l’adaptation des cultures au réchauffement climatique. Eviter les pénuries ou les trop grandes augmentations de prix en cas de mauvaises récoltes est un des enjeux majeurs des prochaines décennies. Des plants de blé aux racines plus longues ont par exemple été conçus pour être plus résistants à la sécheresse. De nouvelles conditions qui amènent parfois les agriculteurs à privilégier des variétés moins productives, plus chères et consommatrices de terres. L’édition génomique permet de concilier les deux. Et de se protéger des aléas.

En Europe, un assouplissement en trompe l’œil ?

Le Parlement européen a voté pour assouplir les règles sur les plantes créées avec les Nouvelles Techniques Génomiques. Malheureusement, certains amendements risquent de freiner leur adoption. Seul un petit nombre de mutations est accepté, limitant leurs possibilités sans réel fondement scientifique.

Les NGT ne pourront pas être utilisées en agriculture biologique, alors qu’elles pourraient réduire le recours aux intrans. C’est d’autant plus surprenant que l’agriculture bio utilise depuis longtemps des variétés issues de la mutagenèse aléatoire (provoquée par des radiations ou des produits chimiques). Les variétés modernes d’orge de printemps, de tournesols oléiques ou même le pamplemousse rose sont issus de cette technique, qui a prouvé ses avantages pour l’environnement et les consommateurs.

Tous les produits contenant des NGT-1 devront être identifiés par un étiquetage spécifique. Cette mesure pourrait être exploitée par les “marchands de peur”, qui préfèrent l’émotion au consensus scientifique. Alliée aux exigences spécifiques de surveillance et de traçabilité, cette obligation pourrait pénaliser les petites entreprises qui veulent les développer ou les utiliser.

Limiter le potentiel des NGT, c’est augmenter le coût de l’alimentation pour les Européens, réduire la compétitivité des agriculteurs, renoncer à des solutions écologiques et fragiliser notre sécurité alimentaire. En janvier 2024, 35 Prix Nobel, dont Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna (pionnières de Crispr-Cas9), ont appelé l’Europe à assouplir ses règles. Un progrès a été fait, mais certains détails pourraient ruiner les immenses bénéfices attendus.