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La pollution tue 48.000 personnes par an. La précarité énergétique, 10.000. Ces chiffres connus de tous sont à l’origine de lois comme celles sur les ZFE ou le DPE. Seul petit problème, ils sont faux.

Alors, d’où viennent ces chiffres et comment s’imposent-ils dans le débat public ?

Les zones à faibles émissions…— Agnès Pannier-Runacher 🇫🇷🇪🇺 (@AgnesRunacher) February 5, 2025

Les vêtements sont portés 6 fois avant d’être jetés. 4 millions de personnes n’ont pas accès à des protections périodiques. Un steak, c’est en moyenne 15.000 litres d’eau. La France s’artificialise à la vitesse de 5 terrains de foot par heure. Les 1% les plus riches émettent plus de CO2 que les deux tiers de l’humanité. 

Ces chiffres aussi circulent partout. Ils suscitent le débat, voire l’indignation. Manque de chance, ils sont trompeurs, voire carrément bidonnés.

Alors, comment et par qui sont-ils fabriqués ?

Commençons par le plus facile : l’étude produite par une ONG militante, et reprise sans recul par les médias. C’est le célèbre “d’après un rapport…”

La méthodologie d’Oxfam, à qui l’honnêteté imposerait de se rebaptiser Hoax-Fake, a déjà été débunkée mille fois. Dans son calcul, Oxfam ne tient pas seulement compte du mode de vie des plus riches mais aussi des émissions des entreprises qu’ils possèdent. Chaque fois que vous passez à la pompe, vos émissions sont comptabilisées au passif des vilains actionnaires de Total. Ici le biais est grossier, l’intention évidente (servir son agenda anticapitaliste). Mais chaque année, Oxfam nous ressert son rapport, et chaque année ses “conclusions” sont reprises sans recul par des journalistes paresseux. Pourquoi se priver ?

Oxfam, leur obsession, ce sont les “1%”. Autre exemple qui ressort chaque  année avec quelques variantes : “les 1% les plus riches de la planète possèdent près de la moitié des richesses mondiales”. Problème, Oxfam se focalise sur le patrimoine net ce qui gonfle artificiellement les inégalités et ignore les dynamiques de revenu, rendant le tableau plus alarmiste qu’il ne l’est réellement. Pour les besoins de la cause, bien sûr.

Autre catégorie de chiffres venant d’associations, le sondage aux résultats abusivement généralisés et déformés.

Ainsi ce sondage réalisé en 2015 au Royaume-Uni par Censuswide pour Barnardo’s, à l’occasion d’une campagne de don de vêtements. 54,7% des 1480 participantes  répondent qu’elles portent en moyenne 7 fois un vêtement acheté pour une “occasion spéciale », ce qui est devenu au fil du temps et des reprises (dont – évidemment – par Oxfam) : « en moyenne un vêtement est jeté après avoir été porté 6 fois”.

Autre cas d’école, l’enquête annuelle de l’association “Régles  élémentaires” réalisée par l’institut Opinion Way, un questionnaire en ligne auto-administré, auprès de 1022 répondantes. Curieusement, et sans que ça n’interroge l’institut sur sa méthodologie , on passe de 2 millions de femmes confrontées à la précarité menstruelle en 2021 à 4 millions de femmes n’ayant pas accès à des protections périodiques en 2023. Ah oui au fait, en 2021, « confrontée » veut dire « personnellement ou déclarant connaître quelqu’un de son entourage qui a déjà été dans cette situation ».

En 2023, ce chiffre de 4 millions est construit à partir des 21% de répondantes qui ont dû renoncer une (13%) ou plusieurs fois (9%) à acheter des protections périodiques l’an passé auxquelles s’ajoutent les 13% des femmes ayant dû faire un arbitrage une (5%) ou plusieurs fois (8%) pour acheter des protections périodiques, soit au total 34% des répondantes.

Il y aurait donc 34% des femmes en âge d’avoir leurs règles qui n’auraient pas accès à des protections périodiques ? Un tiers ? Cette exagération manifeste, d’une association qui milite pour la gratuité des protections périodiques, pourrait prêter à sourire si elle n’était reprise telle quelle en ouverture des motifs d’un projet de loi sur le sujet.

Et encore je ne m’attarde pas sur le paquet de 12 serviettes hygiéniques à 3 Euros. Faites vos propres recherches !

Dernière catégorie, tout aussi intéressante, celle des chiffres provenant des services de l’Etat eux mêmes.

Ainsi notre chiffre de 48 000 décès prématurés liés à la pollution en France est-il issu d’un rapport de Santé Publique France de 2016, dont le communiqué de presse de SPF n’a retenu que la valeur haute d’une fourchette commençant à… 11 décès ! Cette étude est très critiquable en raison d’une méthodologie inhabituelle, basée sur un risque relatif surestimé, d’un manque de corroboration par des données réelles, et d’une incompatibilité avec les statistiques démographiques françaises

Même calcul à la truelle pour le chiffre avancé par France Stratégie de 10 000 décès par an en hiver liée à la précarité énergétique en France. Ce chiffre repose sur des calculs approximatifs et des extrapolations d’études étrangères, comme celles du Royaume-Uni, sans tenir compte des spécificités françaises, notamment météorologiques,  ni d’autres causes de mortalité hivernale, comme les épidémies de grippe.

«Les chiffres ne mentent pas, mais les menteurs adorent les chiffres », disait Mark Twain. Un chiffre sans son contexte ou la méthodologie utilisée pour le calcul, une comparaison frappante, un ordre de grandeur surprenant, des unités mal connues… autant de signaux d’alerte qui devraient alerter le journaliste, avant de relayer, ou le politique, avant de légiférer, ou même le simple internaute avant de réagir.

Au fait…

5 terrains de foot par heure, en réalité 24.000 hectares par an sur la période 2011-2021, rapporté à la superficie de la France métropolitaine, c’est une artificialisation de  0,04% / an. Moins impressionnant comme ça, non ?

15000 litres d’eau pour 1 kg de boeuf, c’est en comptant toute l’eau de pluie tombée sur le pré. Même l’ADEME vient discrètement de rétropédaler sur le sujet.

Alors, on arrête de se faire prendre pour un lapin de 3 semaines et on aiguise son esprit critique ? Chiche ?