Partager

Chargement...
Mode clair Mode sombre

Imaginez un instant devoir plonger dans les excréments de vos contemporains chaque nuit pour gagner votre vie. C’est la réalité des « night soil men » ou « gong farmers » de l’Angleterre victorienne, ces vidangeurs de fosses d’aisance dont l’existence révèle une face méconnue et nauséabonde de notre passé.

Ces travailleurs de l’ombre opéraient généralement en équipes de 4 : un malheureux descendait dans la fosse pour pelleter les matières, un second remontait les seaux à l’aide d’une corde, tandis que deux autres se chargeaient de vider le contenu dans des tonneaux. Une chorégraphie nocturne orchestrée autour de l’excrément humain.

Paradoxalement, ce métier repoussant offrait une rémunération attractive – environ 23 shillings par semaine, soit près du double du salaire d’un majordome ! Cette générosité s’expliquait aisément : qui accepterait volontiers de patauger dans les déjections humaines sans compensation suffisante ?

Malgré cette reconnaissance financière, ces hommes subissaient un ostracisme social absolu. On les évitait comme la peste, on se plaignait de leur odeur pestilentielle. Et pour couronner le tout, ils découvraient régulièrement dans les fosses bien plus que des excréments : cadavres d’animaux, corps de nourrissons non désirés, voire restes de victimes de meurtres…

Mais le véritable danger résidait dans l’invisible : le sulfure d’hydrogène, gaz mortel issu de la fermentation des déjections. Ce « coup de plomb » provoquait des symptômes terrifiants : sensation d’écrasement thoracique, convulsions, cris involontaires (que les vidangeurs appelaient tragiquement « chanter le plomb »), délire, rire sardonique, puis asphyxie parfois fatale. 

Ce métier a disparu grâce aux formidables innovations de notre civilisation techno-industrielle. On ne le regrettera pas.