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Et si détecter et traiter un cancer devenait aussi simple que de souffler dans un ballon ? Imaginez alors un éthylotest qui, au lieu de mesurer votre alcoolémie, détecterait et traiterait les premiers signes d’un cancer. Science-fiction ? Pas du tout ! Grâce à une équipe de chercheurs français, ce futur pourrait s’avérer plus proche que jamais.

Une idée qui a du flair

Détecter les cancers à travers une molécule odorante libérée par les tumeurs, c’est la promesse de la « volatolomique induite ». L’idée repose sur une sonde « intelligente » injectée dans le corps, capable de repérer une enzyme spécifique produite par les tumeurs. Résultat ? Une signature chimique identifiable : de l’éthanol modifié avec du deutérium (D), une version unique qui permet une identification sans équivoque.

Pourquoi est-ce si révolutionnaire ? Et bien, plutôt que d’attendre que les symptômes du cancer apparaissent à un stade avancé, ce test permettrait ainsi de non seulement repérer la maladie mais également de la traiter précocement tout en suivant l’évolution des tumeurs en temps réel. Autrement dit, un GPS médical pour traquer et combattre le cancer.

Une découverte née d’un tandem (et d’un peu de vin)

Tout commence en 2010, à Nantes, autour d’un verre de vin et d’une discussion entre Pauline Poinot, spécialiste des liens entre odorat et maladies, et Sébastien Papot, expert en molécules intelligentes ciblant les cellules cancéreuses.

La conversation prend alors un tournant inattendu lorsqu’ils evoquent une étude sur les chiens capables de détecter certains cancers grâce à leur flair. Mais le souci est que chaque individu ayant une signature olfactive unique influencée par son mode de vie, le dépistage par canidé manque de précision.

Une idée de génie entre alors en scène : forcer les tumeurs à « sentir » quelque chose de reconnaissable grâce à une réaction chimique induite. Depuis, leur projet est passé d’un simple brainstorming autour d’un verre à une innovation médicale des plus prometteuses.

Comment ça marche ?

Le concept repose sur une enzyme clé des tumeurs : la β-glucuronidase. Présente en excès dans les cancers solides, elle libère un signal chimique. Les chercheurs ont donc conçu une sonde chimique qui, une fois injectée, réagit uniquement en présence de cette enzyme et libère de l’éthanol-D. Celui-ci s’échappe dans l’haleine et peut être détecté par un simple test respiratoire ou sanguin.

Les premiers résultats sont bluffants : sur des souris atteintes de tumeurs, seules celles porteuses d’un cancer expirent de l’éthanol-D.

Vers un dépistage et un traitement en un seul test

L’objectif ne s’arrête pas à la détection. En mesurant la quantité d’éthanol-D expiré, les chercheurs peuvent aussi suivre l’évolution des tumeurs en temps réel. Mieux encore, lorsque le cancer régresse sous traitement, le signal diminue.

Inspirés par cette approche, les scientifiques ont conçu une molécule double action : capable à la fois de détecter et de traiter les cancers. Une fois injectée, elle libère non seulement un marqueur détectable mais aussi un médicament qui cible uniquement les cellules tumorales.

Les premiers tests sur des cancers agressifs du sein et du poumon sont spectaculaires : 66 % des souris traitées sont complètement guéries, sans effets secondaires majeurs.

Les chercheurs ont testé ce protocole pour cibler et traiter des tumeurs humaines du sein “triple négatives” – c’est-à-dire parmi les plus agressives – implantées chez des souris. À l’issue de l’expérience, 66% des animaux traités ne présentaient plus de tumeur.

Vers un dépistage universel et accessible

Pour rendre cette technologie encore plus simple, les chercheurs explorent un éthylotest sanguin. Plutôt que d’injecter une sonde, il suffirait de prélever une goutte de sang et d’y ajouter la molécule en laboratoire. Si la β-glucuronidase est présente, la réaction se produit, permettant un diagnostic immédiat.

Afin de fiabiliser la méthode, l’équipe travaille sur un cocktail de sondes capables de détecter jusqu’à sept enzymes liées aux tumeurs, réduisant ainsi les faux positifs et affinant le type de cancer repéré.

L’enjeu est colossal : si cette technologie arrive sur le marché, elle pourrait remplacer certains examens lourds, rendre les dépistages plus accessibles et sauver des millions de vies.

Un futur très proche

Les premiers tests sur des échantillons humains montrent déjà des résultats très prometteurs. Un rapport sur ces tests est attendu en 2025 et pourrait confirmer le potentiel révolutionnaire de cette méthode.

Mieux encore, cette technologie pourrait à terme servir à diagnostiquer d’autres maladies, comme les infections graves ou certaines formes de Covid-19. Imaginez un outil unique capable de détecter les maladies, de suivre l’efficacité des traitements et d’orienter les décisions médicales en temps réel. Ce n’est plus juste de la science : c’est un espoir tangible.

Levons nos verres à l’avenir

Si tout se passe bien, cette technologie pourrait révolutionner la manière dont nous diagnostiquons et traitons les cancers : dépistage plus accessible, moins invasif et d’une précision inégalée.

Bien sûr, le chemin est encore long, avec des étapes réglementaires et des validations nécessaires. Mais une chose est sûre : ces chercheurs français nous rappellent que la science, c’est avant tout une histoire d’humanité, de persévérance et d’intuition.

Alors, à ceux qui doutent d’un futur meilleur, levons nos verres à cette innovation qui promet de sauver des vies, une respiration après l’autre.